y a trop
beauté
'Y a trop d'artistes, les œuvres d'art sont trop chères mais c'est pas grave parce que tout l'monde s'en fout

Essai

Texte polémique de Richard Ste-Marie

Évidemment qu’il n’y a pas trop d’artistes ! Sauf que l’aspect professionnel du travail de l’artiste n’est jamais assez annoncé, jamais assez affirmé ni défendu par les artistes eux-mêmes...

Évidemment que toutes les œuvres d’art ne sont pas trop chères ! Les collectionneurs ont intérêt à ce que l’œuvre soit rare, les artistes à ce que l’œuvre soit chère. Artistes et collectionneurs s’unissent ainsi pour garder artificiellement élevé le prix d’œuvres d’art par ailleurs difficiles à vendre...

Évidemment que personne ne s’en fout ! Mais... On manque de clients. On a beau faire de l’art, en parler, l’annoncer, le mettre en vitrine, les gens n’achètent pas. Pas assez et depuis longtemps. Et tous les efforts mis pour la production et la diffusion ne changent rien à l’affaire.

Épuisé mais dorénavant inclus dans Les petites misères.

La Beauté de la chose

Essai

Texte polémique de Richard Ste-Marie

Qu’arrive-t-il quand tout un patrimoine instrumental est peu à peu remplacé par un outil, un seul: l’ordinateur, et que toute une gestuelle, c’est-à-dire tout un ensemble de gestes signifiants, est supplantée par l’emploi exclusif de dix doigts sur un clavier et de la paume de la main sur une souris?

Mon propre ordinateur peut, dans la même journée, s’acquitter de tâches étonnamment variées. Assis devant le moniteur, sans changer de position, avec mes dix doigts (quoique mes deux index suffisent) et la paume de ma main droite, je peux indifféremment écouter de la musique, faire ma comptabilité, écrire une lettre de référence, commander un logiciel par Internet, enregistrer une émission de télévision, écrire ce texte, réserver une maison sur la Côte d’Azur, faire la mise en page d’un livre, facturer un client, faire le montage sonore d’une émission de radio, lire mon courriel, imprimer mes photos de vacances, créer une estampe numérique, écouter la radio, trouver un code postal, jjouer à un jeu avec mes petits-enfants, consulter l’horaire d’Air Canada, envoyer un fax, planifier mon itinéraire routier de Québec à Los Angeles, lire le jjournal, graver un CD, acheter des actions de Nortel (Dieu m’en garde!), comparer plusieurs recettes de paella, payer mon compte Visa, voir quel temps il fait à Athènes, composer de la musique, faire un jeu de patience, prendre un cours à l’Université Laval, vérifier un mot au dictionnaire, faire un virement bancaire, créer une page Web, perdre mon temps. J’en oublie.

Avec le même ordinateur et avec les mêmes gestes de la main, un autre opérateur pourrait tout aussi bien envoyer un missile, mettre la ligne de transport d’énergie de la Baie-James hors circuit, changer la température dans un édifice, guider la trajectoire d’un avion, accélérer la cadence de production d’une usine, intercepter les messages d’Oussama (Allah l’en préserve!), se tromper comme d’habitude sur les prévisions météorologiques, découper une feuille de métal au rayon laser, prendre une photo de la planète Mars, dominer le monde. Vos suggestions sont bienvenues.

Même outil, mêmes gestes. Mais, il y a des gestes qui se perdent quelque part. Des gestes riches de sens, indispensables et irremplaçables pour le développement de l’homme. Des gestes d’une complexité et d’une très grande variété qui lui ont apporté un épanouissement complet et inattendu, voire insoupçonné de son cerveau, sinon de toute sa personne. On connaît l’importance, pour le développement émotif et cognitif de l’enfant, des gestes aussi simples que ceux requis pour changer sa couche ou pour le nourrir à la cuillère, ces gestes étant accompagnés de paroles et de marques d’affection qui établissent la réciprocité de la communication. L’homme n’a pas attendu Bill Gates pour interagir avec ses semblables, car il est né interactif. (Je me réjouis, par ailleurs, de voir qu’aucun crétin n’a encore songé à inventer la machine à changer les couches.)

On a célébré, à juste titre, la conquête de l’ordinateur dans de nombreux secteurs de l’activité humaine: arts, sciences, technologies. Mais on devrait également examiner l’accueil trop enthousiaste et soumis de certains qui voient dans le numérique la preuve par excellence du «progrès», celui avec un grand P, la confirmation sine qua non de la suprématie de ses utilisateurs. Il faut sans doute résister à la tentation de voir dans l’ordinateur le seul instrument ayant de l’avenir pour le développement de l’humanité. Le seul gage et la seule mesure de son avancement. Or, c’est le risque que l’on doit courir avec cet instrumentmerveilleux, polyvalent, exclusif et dominant.