La conférence Le conférencier avait l'air artiste, rien qu'à voir, on voyait bien. Mais pas tout à fait comme Félix ou Ferré auraient pu avoir l'air artiste. Lui, le peintre, c'était surtout son costume. Décontracté mais chic. Étudié, en tout cas. Même ses lunettes : je ne sais pas pourquoi je pensai tout de suite que quelqu'un qui a de si belles lunettes n'en a sûrement pas besoin. Il n'était question que de transgression de ceci, de perversion de cela et surtout de mise en abîme. Ça oui, la mise en abîme. L'expression semblait lui plaire par-dessus tout car il l'employait toutes les trois minutes. Quand il déclara qu'il fallait réinvestir la praxis et déconstruire assertoriquement le support, je décidai que j'en avais assez et déclarai forfait. Je n'ai pas l'habitude d'aller aux conférences avec un dictionnaire. Je regagnai le parking en pensant qu'encore une fois je m'étais fait avoir et que j'allais devoir dans les heures qui suivent me débarrasser du sentiment d'échec que me laissaient généralement ce genre de conférences. Je repensai à mon conférencier. Il y a des gens qui s'écoutent parler, d'autres qui se filment en train de baiser. Lui, il se regardait peindre. Son tableau lui servait de miroir... de sa peinture. Le miroir du monde, ça, c'était le rôle de la photographie, du cinéma ou de la télévision. Ce sont eux qui devaient s'occuper de donner aux gens une image de leur propre existence. Ma peinture a autre chose à faire, voyez-vous. J'arrivai à temps pour le téléjournal, mon quart d'heure de bonne conscience quotidien. Ma blonde était déjà au lit avec le chat. Arrestations, tabassage et émeutes. La guerre est en direct ce soir, la caméra est fixée au missile, on n'arrête pas le progrès. Ces moments d'horreur vous sont présentés par CNN. Les images prêtes-à-souffrir me choquent de moins en moins, pensai-je en me brossant les dents, il faudrait que j'essaie de ralentir ma consommation. Je me demande d'ailleurs quelles sont les chances d'un We are the world II. À peu près nulles, je suppose. La télévision réussit à retransmettre les Jeux olympiques, pas autre chose, sur toute la planète. En me mettant au lit, j'entendis ma blonde me parler dans son sommeil : Global, virtuel et climatisé. |
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