Le menuisier, sa femme, et le marteau

   Il y a quelques années, j'avais entrepris des rénovations dans ma maison et j'avais engagé des ouvriers pour les travaux les plus importants. C'était une de ces belles journées d'été, si rares, et les menuisiers avaient décidé de dîner dehors. L'un d'eux s'installa sur une pile de planches et, machinalement, prit son marteau pour déboucher son Pepsi avec l'arrache-clou. Sur les entrefaites, arrive le contremaître avec des factures qu'il dépose près du menuisier.

   « Le vent souffle, dit-il au menuisier, les feuilles risquent de s'envoler. Mets-donc ton marteau dessus ! »

   Un peu plus tard dans l'après-midi, je tombai sur l'ouvrier en train de se gratter le dos avec le manche du marteau en le tenant par la tête. De temps en temps, je le voyais le saisir pour relever sa casquette ou pour ponctuer ses phrases d'un geste théâtral.

   Allez savoir pourquoi, il était de méchante humeur ce jour-là, si bien que, rentré chez lui le soir, il se querelle avec sa femme, perd la tête, s'empare du marteau et commet l'irréparable. Alertée par les voisins, la police accourt et saisit l'arme du crime qui, devenue pièce à conviction, sert à faire condamner le menuisier avant de trouver sa place dans la prestigieuse collection du musée du crime.

    Triste fin pour le menuisier de cette fable (et sa femme) mais quelle carrière pour le marteau !

   Au temps où je faisais de la sculpture, je me servais d'un marteau presque quotidiennement. Puis, le temps a passé et je me suis intéressé à d'autres choses. Aujourd'hui, je me sers d'un marteau une fois de temps en temps, il se passe parfois des semaines sans que je ne l'utilise. Je n'en ai plus besoin.

   Je connais des gens qui n'en possèdent même pas.


              

Marteaux utilisés pour la ciselage
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